Lecteur, encore un peu de patience !

Mon blog me permet de remettre en ligne les écrits et photos du site de l'association "Dessine-moi un enfant", aujourd'hui disparue. Vous pouvez d'ores et déjà parcourir ce voyage autour du monde de 18 mois en image. Les écrits, quant à eux, me demandent un peu de travail de relecture, non pas pour les modifier, puisque je cherche à garder leur spontanéité, mais pour rajouter les accents absents des claviers anglophones. J'alimente donc au fur et à mesure ce blog des reportages, articles, extraits de mon carnet de route.

lundi 15 mars 2010

Le projet "Dessine-moi un enfant" en Chine

Le système éducatif

De part sa population gigantesque, il n’est pas étonnant d’observer que la Chine compte 230 millions d’écoliers encadrés par 14 millions d’enseignants dont 11 millions de professeurs diplômés et tout de même 3 millions d’enseignants sans formation.
Entre 1920 et 1940, la volonté de la Chine républicaine de moderniser l’éducation avait été anéantie par la guerre civile et l’invasion japonaise. À partir des années 50, l’ère maoïste fut synonyme de détérioration de l’ensemble du système éducatif. À l’heure actuelle, l'éducation chinoise se remet petit à petit des ravages de la Révolution culturelle.
Pendant toute cette période et dans tout le pays, de nombreux enseignants étaient violentés voire sommairement exécutés et souvent remplacés par des paysans ignorants. L’enseignement était alors devenu un instrument au service de l’endoctrinement des masses. Le respect confucéen qui était auparavant accordé aux professeurs, a depuis été restauré mais les écoles manquent toujours cruellement de fonds et les enseignants sont très mal rémunérés. De plus, un apprentissage basé sur la mémorisation et l’absence de débat au sein de la classe font du système éducatif un modèle obsolète.
Le taux d’alphabétisation s'élève à 80%, mais il demeure en dessous des critères des pays industrialisés et certaines régions comme le Tibet, atteignent difficilement les 60% d’alphabétisation. Dans cette région, à peine la moitié des enfants tibétains de moins de 12 ans vont à école primaire où l’enseignement s’effectue généralement en tibétain tandis que dans les classes supérieures, la langue chinoise prend le relais. Nombre de minorités ne peuvent pas lire les caractères chinois, mais sont capables de déchiffrer leur propre écriture. Il en va de même pour les enfants qui ne bénéficient pas de l'école, n'étant pas inscrit sur les registres de l'État (Cf. La Politique de l'enfant unique).
En Chine, l'école publique est gratuite et ouverte à tous, mais comme l’a souligné Philippe Massonet, Responsable de l’Agence France Presse en Chine, lors de notre visite dans son agence, l'État se désengage de plus en plus des frais liés à l'éducation des enfants (manuels scolaires et autres fournitures). Ces frais étant de plus en plus élevés, de nombreuses familles modestes ont toutes les peines du monde à y faire face. La création croissante des écoles privées, essentiellement dans les grandes villes, augmente encore le fossé entre les enfants issus des classes aisées et ceux provenant de milieux plus populaires.
Enfin, alors que l'État avait l’habitude de payer la totalité des droits d’inscription, même ceux de l'université (les diplômés universitaires devant en retour accepter l’emploi que l'État leur attribuait), il a validé de nouvelles dispositions dans les années 1990. Désormais les étudiants doivent payer leurs études et choisir leur métier. Bien que la plupart des Chinois ne peuvent se le permettre, les familles dotées de bonnes relations dans les sphères étatiques rencontrent peu de difficultés.


Notre méthodologie en Chine

Compte tenu de la rigidité de l’administration chinoise, du manque d’objectivité évident de ses institutions éducatives et d’un pré-formatage de certaines réponses qui ne pouvait convenir à la liberté de ton qu’exige notre projet, nous avons décidé de mener différemment notre action auprès des enfants chinois.
En effet, les services de l’administration française en Chine nous ont clairement expliqué que la seule école qu'il nous était possible de voir, était l'école modèle récemment créée pour l'élite chinoise habitant dans le quartier des ambassades. Or la fragilité des relations instituées entre le Lycée français de Pékin et cette école et les tensions « diplomatiques et politiques », nous empêchaient d’approcher cette école aussi naturellement qu’à Irkoutsk ou à Oulan Bator. En tentant de prendre contact directement avec des écoles chinoises, d’autres obstacles sont apparus. Les écoles chinoises ne sont pas autorisées à accueillir des étrangers sans permission préalable de l’administration de l'éducation (dépendant directement de l'État), moyennant bien entendu des démarches officielles fastidieuses pour valider le bien-fondé d’une telle étude en Chine. Quoiqu’il en soit, munis de ces autorisations, il parut ensuite manifeste que, dans le cas où nous serions intervenus dans une classe, les questions auraient été initialement présentées aux élevés dans le but d’orienter leurs réponses vers un dénominateur commun acceptable pour l’image que la Chine veut véhiculer à l'extérieur de ses frontières. Ce qui conférait à notre étude un manque d'objectivité évident.
Ainsi, nous avons préféré rencontrer les enfants chinois en dehors des structures scolaires pour parler avec eux individuellement ou par petits groupes et les interroger de manière moins conventionnelle et plus spontanée. Cette méthodologie, suivie en Chine et au Tibet, présente toutefois l’inconvénient du manque d’exhaustivité, les enfants n’ayant répondu que partiellement au questionnaire, traduit parfois difficilement par des Chinois ou Tibétains de passage. De plus, les réponses données oralement ont conduit parfois les enfants à citer ce que le voisin avait dit, biaisant ainsi les résultats.


Les enfants chinois

Cette étude a été principalement réalisée dans les rues de Pingyao et de Chengdu et dans les villages du centre du Tibet (région U). Quoiqu’il en soit, les réponses nous permettent d'esquisser un profil type de l’enfant chinois d’aujourd’hui.
Les enfants chinois évoluent dans une sphère fortement empreinte de culture nationale ; ils sont peu ou prou en contact avec un environnement audiovisuel étranger. Ce constat est peut-être moins fréquent dans les grandes villes telles que Pékin ou Shanghai. Ainsi les personnes auxquelles ils s’identifient, demeurent les héros officiels de la Chine : le Président, l’astronaute qui a réussi tout récemment la première mission spatiale du pays, les grands lamas pour les enfants tibétains et les actrices chinoises reconnues internationalement telles que Gong Li.
Les seules références étrangères se retrouvent dans les figures sportives internationales telles que les footballeurs Beckham, Ronaldo ou Zidane et les basketteurs américains les plus célèbres, Michael Jordan et Shaquille O’Neal.

Cet ancrage pro-chinois est également visible dans de nombreux autres thèmes du questionnaire : la musique, la littérature, le sport, l’alimentation et l’événement récent. Les chanteurs du pays font partie de leur univers, les chansons chinoises émanant de tous les magasins à toutes heures de la journée. Les chansons occidentales qui connaissent du succès (la chanson du film « Titanic » par exemple) sont, quant à elles, bien souvent remixées en chinois. Les livres scolaires sont plébiscités par l’ensemble des écoliers ; certains citent des titres de la littérature chinoise, mais ils constituent une minorité.
Les sports les plus cités sont ceux dans lesquels les athlètes chinois excellent ; le badminton, le basket, les arts martiaux et en priorité le kung fu, le ping-pong et la gymnastique semblent les plus pratiqués par les enfants interrogés qui les découvrent bien souvent à l'école.

Concernant les plats favoris, depuis des millénaires, le riz constitue la base de l’alimentation des Chinois et des enfants. La réponse attendue fut donc les plats à base de riz; les dumplings ou jiaozi viennent ensuite (ce sont des raviolis farcis avec des épinards, des légumes ou de la viande).
Les autres réponses font référence à la gastronomie chinoise qui peut se résumer ainsi et les Chinois l’avouent eux-mêmes : « ils mangent tout ce qui rampe sauf le train, tout ce qui a quatre pattes sauf la table et tout ce qui vole sauf l’avion ». Les enfants tibétains ont, quant à eux, cité en grande majorité les momos (raviolis tibétains), la tsampa qui est une farine mêlée d’orge préalablement grillée et le yack séché. Ces trois plats constituent la base de l’alimentation des habitants des villages éloignés de Lhassa.

Le dernier point concernant l’univers des enfants chinois est l'événement récent qui les a le plus impressionnés. Pour les petits urbains, le lancement de la première fusée envoyée dans l’espace par les Chinois en octobre 2003 constituait le fait majeur. Les enfants des villages tibétains sont restés plus hésitants face à cette question. Après réflexion, ils ont fait référence pour la plupart à des événements familiaux tels que le retour des grands-parents de leur pèlerinage au mont Kailash ou au lac Nam-Tso.
L’univers chinois dans lequel baignent les écoliers inclut également pour une grande part la religion ou les croyances ancestrales du pays. Ainsi, les personnages que les enfants préfèrent sont issus du bouddhisme. Les enfants des villes citent quasi-unanimement les personnages du film japonais connu sous le nom de « Songoku » (singe); histoire tirée du « Voyage en occident », ouvrage du XVIe siècle s’inspirant avec humour des aventures du moine Xuan Zang qui se rendit en Inde au VIIe siècle pour en rapporter des textes bouddhiques. Xuan Zang est accompagné d’un singe, d’un cochon et d’un esprit féminin. La religion apparaît également dans le plus beau rêve des enfants tibétains qui indiquent souvent spontanément : « devenir lama ».
Autre élément important de leur environnement : la famille. Ce qui est essentiel dans leur vie quotidienne, c’est « la famille » avant même « l'école » et le fait de « manger ». Le plus beau rêve de certains est de devenir plus tard comme leur père et d’espérer que leurs parents vieillissent dans de bonnes conditions. Lorsqu’on leur demande la profession qu’ils souhaitent exercer plus tard, les enfants des campagnes, ayant du mal à se projeter dans l’avenir, citent en référence la profession du père ; les enfants urbains, quant à eux, poussés par leurs parents, souhaitent profiter du développement rapide de l'économie du pays qui crée de véritables vocations d’hommes et de femmes d’affaires. Mais indifféremment dans les villes et les campagnes, le dénominateur commun pour la profession future reste l’acquisition rapide de l’argent.
Les réponses obtenues sur les autres questions restent similaires à celles des enfants de Russie ou de Mongolie. Ainsi, les voyages animent les rêves de nombreux enfants qui souhaitent visiter Paris, Pékin et la grande muraille et se rendre aux États-Unis.
Lorsqu’ils quittent l'école, la première chose qu’ils font est de manger (les enfants des villes changent auparavant leur tenue, retirant le jogging fourni par l'école ; les enfants tibétains vont souvent rejoindre leurs parents dans les champs).
Leurs mots favoris sont ancrés dans l’univers animalier avec une préférence nette pour la « tortue » et les « oiseaux ». Des mots tels que « pays », « patrie » et « harmonie » font plus référence aux spécificités de la Chine.
Et enfin, les questions qu’ils souhaitent poser aux enfants français concernent les connaissances de ces derniers sur la Chine (Aimes-tu la Chine ? Connais-tu la Chine ? Veux-tu venir en Chine ?…) et leurs goûts (Quel est ta couleur préférée ? Qu’aimes-tu manger ?…).

Un fait important déjà observé en Russie et en Mongolie, mais qui semble plus développé en Chine, est l’univers de guérilla urbaine que les jeunes garçons affectionnent dans les jeux vidéos. En effet, les garçons passent de longues heures dans des cafés Internet pour jouer aux différents jeux en réseau créés essentiellement par des entreprises asiatiques. L’univers de ces jeux vidéos s’inscrit de manière flagrante dans la violence, le combat de plusieurs équipes à l’aide d’armes blanches, de kalachnikovs, de pistolets en tout genre. Ces jeux constituent pour la plupart leur passe-temps favori.

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