Lecteur, encore un peu de patience !

Mon blog me permet de remettre en ligne les écrits et photos du site de l'association "Dessine-moi un enfant", aujourd'hui disparue. Vous pouvez d'ores et déjà parcourir ce voyage autour du monde de 18 mois en image. Les écrits, quant à eux, me demandent un peu de travail de relecture, non pas pour les modifier, puisque je cherche à garder leur spontanéité, mais pour rajouter les accents absents des claviers anglophones. J'alimente donc au fur et à mesure ce blog des reportages, articles, extraits de mon carnet de route.

mercredi 24 mars 2010

Les enfants tibétains de l'école Srongtsen de Bodnath

En préambule, il me faut signaler que les 17 enfants tibétains rencontrés au sein de l'école de Srongtsen sont légèrement plus âgés que les écoliers interviewés jusqu'à présent.

Alors que l’oppression politique et religieuse règne toujours au Tibet, Bodnath est l’un des rares endroits ou la culture tibétaine peut s’exprimer sans entrave. 99% des enfants de cette école, membres de la communauté tibétaine népalaise, évoluent ainsi dans un environnement tibétain ; le proviseur de l’établissement, qui est lui-même un moine bouddhiste, veille à la transmission de la tradition tibétaine à cette troisième génération de Tibétains exilés au Népal.

A. Les références à la situation politique au Tibet sont, de ce fait, extrêmement nombreuses dans les réponses obtenues au questionnaire. Ainsi, trois personnages liés, de près ou de loin, à la cause tibétaine ont été cités comme étant les adultes auxquels les élèves aimeraient ressembler : le Dalaï Lama(2), George Bush qui, selon la première de la classe, aide les réfugiés tibétains aux Etats-Unis et Songokhu (héros de la série japonaise « Dragonball Z ») qui, grâce à sa puissance, pourrait libérer le Tibet. Les raisons invoquées dans le choix de leur profession future sont également assez évocatrices. Un élève souhaite devenir un scientifique expérimenté pour « développer son pays et l’amener à la paix car il a été envahi par l’Armée Rouge chinoise ». Un autre aimerait devenir footballeur de l’équipe du Tibet car il « espère retrouver bientôt (son) pays ». Trois autres veulent devenir de bons docteurs pour « servir (leur) pays aujourd’hui dépendant de la Chine » ou pour « être dévoué comme le Dalaï Lama ».
Cinq d’entre eux ont des rêves liés au pays de leurs grands-parents : un élève désire ardemment retourner au Tibet; d'autres souhaitent effectuer un pèlerinage au cœur des sites sacrés tibétains, gravir la face nord de l’Everest (coté tibétain), devenir docteur « pour soigner toutes les maladies présentes au Tibet », étudier les sciences aux Etats-Unis avant de revenir travailler au Tibet.
Cette référence culturelle se retrouve également dans les livres préférés des élèves, les chansons, les plats et les mots favoris. En effet, six d’entre eux ont cité des livres tibétains, livres de prières ou simples romans d’aventures écrits dans cette langue. Un écolier fait, quant à lui, allusion à son pays en choisissant la bande dessinée « Tintin au Tibet ». La musique pop tibétaine est également mentionnée par plusieurs élèves et le thukpa (soupe) ainsi que la tsampa (farine d’orge grillée, alimentation de base des Tibétains) restent appréciées même si elles ne font pas toujours l’unanimité. Six élèves ont choisi des mots tibétains comme « Tashi delek » (le fameux bonjour du Tibet), « Tenzin Gyatso », « Rinzin » ou « Tsela ». Enfin, deux questions posées aux enfants français touchent directement l’environnement tibétain : « Connaissez-vous la culture tibétaine ? » et « As-tu entendu le discours du quatorzième Dalaï Lama ? »

B. On retrouve également, comme un leitmotiv dans de nombreuses réponses, des valeurs marquantes telles que l’honnêteté, le don de soi pour aider les autres et la bravoure. Ainsi, neuf élèves ont donné comme raison principale du choix de leurs personnages favoris : les Power Puff Girls « parce qu’elles aident toujours les autres », Ash Ketcham (Pokemon) « parce qu’il n’abandonne jamais ses amis », Superman « parce qu’il est courageux et que c’est un homme au grand cœur », Popeye « parce qu’il est brave ». Ces mêmes raisons apparaissent neuf fois dans le choix de l’adulte auquel ils s’identifient : le Dalaï Lama (2) « car c’est un homme honnête », Superman (2) « parce qu’il veut sauver les autres », Batman « parce qu’il combat le crime », Mère Térésa « parce qu’elle aide les gens pauvres », une reine « pour aider les gens et leur donner des droits », Fred de l’agence Scoubidou « parce qu’il n’abandonne jamais ses amis », un docteur « pour soigner les familles pauvres ». Et enfin, douze d’entre eux ont choisi un métier qui leur permettra d’aider les autres : docteur (9), détective privé (2), policier et homme d’affaires « pour devenir l’homme le plus riche du monde et ainsi aider les nécessiteux » .

C. À l’approche de l’adolescence, certains élèves sont tiraillés entre les préoccupations liées à leur âge et des activités plus enfantines. Certaines réponses marquent une rupture avec celles obtenues jusqu'à présent auprès d’enfants plus jeunes. Ainsi, alors que tous les personnages favoris sont issus du monde des dessins animés, univers privilégié des enfants, les adultes auxquels ils aimeraient ressembler ne sont plus, pour dix d’entre eux, des personnages de fiction. Les référents, empruntés au monde réel, remplacent peu à peu les personnages imaginaires si chers aux enfants. Cette distinction est également visible dans les réponses relatives aux jeux et aux jouets. Les jouets traditionnels sont, pour la plupart, délaissés au profit des jeux vidéo (11 réponses) et du sport (26); les sports principalement évoqués étant le basket-ball (6), le football (5), le badminton (5) et le ping pong (4). Les jouets demeurent l’apanage des jeunes filles qui privilégient encore le cache-cache (2), la corde à sauter (2) et la poupée (2). L’importance des jeux vidéo et du sport se retrouve dans les jeux et jouets que ces enfants désirent acquérir : dix élèves aimeraient des accessoires leur permettant de pratiquer leur sport favori et six d’entre eux préfèrent les jeux vidéo de toutes sortes et les ordinateurs.
Il est important de noter qu’un grand nombre d'élèves ne possédant ni ordinateur, ni consoles de jeux, fréquentent les cafés Internet qui fleurissent dans tout le pays.
La maturité de ces élèves leur a permis de faire preuve d’imagination à la question concernant ce qu’ils considéraient comme le plus important dans leur vie quotidienne. Ainsi, ils ne se sont pas cantonnés, comme les plus jeunes, aux propositions faites dans le questionnaire. Même si 9 d’entre eux ont indiqué que le fait d’aller à l'école était essentiel, d’autres écoliers ont mentionné « débattre, écrire et lire » (4), « respecter les aînés » (2), « faire des choses avantageuses pour tout le monde », « partager mes joies et mes peines avec mes parents », « améliorer l’environnement », « faire du sport » ou « avoir des vêtements ».
De même, en ce qui concerne l’événement récent qui les a le plus marqués, la précision temporelle systématique est une nouveauté. Ils ont tous indiqués la date à laquelle cet événement avait eu lieu, l’inscrivant ainsi dans le temps. Les événements négatifs (11) qui les touchent directement sont également les plus fréquemment cités, à la différence des plus jeunes qui ont souvent tendance à privilégier les événements favorables. Ainsi, un élève a été victime d’une « fracture du pied suite à un accident de moto avec (son) père », un autre a été « à l’hôpital pour des problèmes oculaires », un troisième s’est « perdu dans un marché et (a) eu très peur ».

D. Ces élèves recevant un enseignement anglophone, éduqués dans le respect de la culture tibétaine et vivant dans un pays enclavé entre la Chine et l’Inde, subissent inévitablement des influences diverses. Ainsi, leurs personnages favoris sont essentiellement des héros de dessins animés anglophones (Tom et Jerry – 5, Superman – 3, Popeye – 2, Dexter – 2) ou japonais (Ash Ketcham de la série Pokemon).
Les adultes auxquels ils s’identifient proviennent également de la sphère internationale (George Bush, les footballeurs David Beckham et Ronaldinho), avec une nette préférence pour les personnalités de l’Inde (Mère Térésa, la pilote Rubi Rana, la femme politique Sonia Gandhi). L’influence anglaise, très importante jusqu’au XXème siècle en Inde et au Népal, explique également le choix des sports qu’ils pratiquent le plus comme le basket-ball (6), le badminton (5) le football (5) ou le cricket (2). Quatre élèves ont également cité le ping-pong, preuve d’une certaine influence chinoise.
L’apport international est tout aussi visible dans le choix des chansons préférées, les chanteurs indiens étant largement cités (Lucky Ali – 4, Falguni Pathak – 4, Adham Sani – 2), devant les artistes népalais (Ram Krishna Dhakal, Wima Rumba, Lata Mangeshos, Arasma) et les chanteurs anglo-américains (Brian Adams, Blur, Linking Park, Nelly).
Les plats favoris indiquent également le mélange des influences que connaissent le Népal et ces enfants tibétains. La proximité de la Chine explique le choix des momos (7) (spécialité tibétaine et népalaise très proche des raviolis chinois) ainsi que leur goût pour les chowmeins (4) (nouilles typiquement chinoises). L’influence occidentale se ressent dans trois autres choix qui rassemblent le plus de voix : les pizzas (9), les hamburgers (6) et les sizzlers (2) (filets de viande légèrement panés et grillés sur une plaque en fonte).

E. Les mots préférés de ces écoliers sont principalement ceux de la vie quotidienne (bonjour – 3, désolé, oui, merci, bonne journée) et des termes que l’on pourrait qualifier de communautaires (paix, amis, copain, rencontrer, amour). Plusieurs réponses sont très proches des résultats obtenus indifféremment au cours de nos interventions dans les précédents pays. Sept élèves font ainsi directement leurs devoirs après l'école tandis que les dix autres se changent et mangent avant de jouer, de regarder la télévision ou de faire leurs devoirs. Dans de nombreux établissements, le port de l’uniforme étant obligatoire, la plupart de ces enfants ont, en effet, pris l’habitude de changer de vêtements en rentrant de l'école.
Leurs rêves se concentrent autour de deux pôles : la découverte des autres pays (7) et leur avenir professionnel (7). Leurs livres préférés sont essentiellement des livres thématiques traitant d’un sujet ou d’une discipline particulière : livres d’histoire (3), livres scientifiques (2), livres médical ou social, ouvrages sur l’alpinisme ou le football.
Enfin, ces écoliers désirent poser aux enfants français des questions relatives :
- à leur vie quotidienne : « Comment se passe ta vie ? » (3 réponses), " Comment t’appelles-tu ?" (6 réponses, en français dans le texte), « Comment vas-tu ? » (également en français);
- à leurs goûts : « Aimes-tu les chocolats ? » (toujours en français), "Quel est l’endroit que tu préfères? ";
- à la connaissance de la culture tibétaine : « Connaissez-vous la culture tibétaine ? », « As-tu entendu le discours du quatorzième dalai lama ? »;
- à l’apprentissage du français : « Veux-tu m’aider à apprendre le français ? » , « Comment apprendre vite le français ? ».

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